mardi 13 décembre 2011

Franky Knight


En début de semaine dernière est sorti le nouvel album d'Emilie Simon : Franky Knight. Cet opus est déjà un pur régal pour les oreilles. Il y a 2 ans, elle nous proposait un album basé sur ses expériences New Yorkaises : The Big Machine. Un album qui lui avait permis de se défouler à fond sur de l'électro pure et de la pop ultra puissante, en oubliant presque l'âme, s'attardant uniquement sur la forme. Après tout, ça défoule et c'est cool.

Aujourd'hui, elle revient à quelque chose de beaucoup plus épuré, acoustique, très proche de ce qui a fait son succès. Dans l'album, elle rend hommage à son compagnon, François Chevalier, décédé 2 ans auparavant, d'où l'ouverture avec le titre Mon Chevalier. En parallèle, la majorité de l'opus est composé comme bande-originale pour le film La Délicatesse, qui retrace justement la disparition d'un mari, puis la reconstruction de sa femme après cet événement. Toujours à la recherche de nouvelles sonorités, Emilie Simon nous emporte grâce à ses onirismes et à sa voix exotique, et nous honore une fois de plus d'un merveilleux album.

mardi 6 décembre 2011

Polisse

Ce 3ème film de la réalisatrice Maïwenn avait fait sensation au dernier festival de Cannes. Il met en scène plusieurs officiers de la BPM (Brigade de la Protection des Mineurs) dans leur travail, mis en parallèle avec leur vie privée et leurs soucis personnels. Une photographe bourgeoise un peu coincée (Maïwenn) est envoyée sur le terrain pour les suivre dans le but de faire un livre de photos sur cette branche de la police.

Maïwenn est visiblement une habituée des gros castings ; dans Le Bal des actrices, elle avait réuni un certain nombre de grandes actrices françaises. Là, dans Polisse, elle nous honore une fois de plus avec d'excellents comédiens, venant d'univers très différents : Karine Viard, Marina Foïs, JoeyStarr, Nicolas Duvauchelle, une apparition trop rapide d'Anthony Delon, et des comédiens un peu moins connus mais tout aussi performants.

Parfois un peu cliché, ce film m'a fait pensé à un épisode de PJ de 2 heures (dans la retranscription d'une certaine réalité), mais beaucoup plus fort et intense. La plupart des saloperies faites sur les enfants sont retranscrites : pédophilie, inceste, évacuation d'enfants dans un camp de roms, bébé secoué et masturbé par sa mère, ... tout y passe et toutes les catégories sociales et ethniques sont représentées. Le film prend souvent des aspects de documentaire filmé sur le vif, nous offrant des scènes très fortes : la mère malienne qui abandonne son petit dans un foyer pour qu'il ne manque rien, ou encore celle du père magrébin qui se fait remonter les bretelles par une femme-officier arabe du commissariat. Pour le film, Maïwenn a laissé une certaine part d'improvisation aux acteurs, ce qui se sent et cela participe à la bonne cohérence du film et à la spontanéité qui s'en dégage.

Le film pourrait souvent tomber dans le pathos de par toutes les scènes évoquées. Bien sur, le malheur des enfants est facilement prétexte à pleurer, on montre un gamin qui s'est fait violé, tout ça... Mais la manière très crue dont les scènes sont filmées et assemblées, la simplicité émergente ne nous laisse aucun moment de nous apitoyer, au contraire, on est là, on regarde, et c'est tout (je pense notamment à la scène de la fausse couche d'une gamine de 16-17 ans qui s'est faite violée par une bande de mecs).

On passe très souvent du rire aux larmes : des scènes plus drôles ajoutent de la légèreté au film, notamment grâce à certaines réactions de JoeyStarr, ou d'autres petites blagues sur des cas : une jeune fille qui s'est senti obligé de sucer une bande de mecs pour récupérer son portable. 16-17 ans, 4 flics, qui se marrent ouvertement, surtout quand le seul argument qu'elle leur sort à la fin est : « bah, c'était un beau portable ». Vivement conseillé surtout pour le générique de L'Ile aux enfants.

"Je veux tuer ce petit morveux."




Tetsuya Nakashima

"Boum"
En fait je n'ai pas pris le temps une seconde pour réfléchir à comment j'allais parler de ce film, tenter d'en faire une description un minimum fidèle ou même de donner un avis assez détaché du bordel que ça a foutu dans mes tripes, et ce non pas par une violence visuelle, dérangeante et nauséeuse, non. Par le fait de voir une histoire écrite dans une calligraphie tendre et caressante racontant l'horreur du meurtre et de la vengeance, de l'abandon et de la maladie, de la terreur et de la folie. Une chute dans les affres des derniers ressors de l'être humain pour arriver à ses fins, qu'elles soient reconnaissance ou exutoire. au cour d'une montée en tension continuelle mais à peine perceptible tant elle se fait douce.



Ce film, c'est l'histoire d'une institutrice désirant se venger de deux de ses élèves ayant assassiné sa petite fille. Une quête de vengeance, un sujet qui a le don de me fasciner et de m'accrocher. Sur cette voie, le récent I Saw The Devil de Kim Jee-woon était et reste à ce jour ce que je considère comme l'oeuvre la plus aboutie et la plus mémorable, et ce sans me limiter au seul cinéma asiatique. Et bien dans une affirmation délirante, j'ai émi tout à l'heure l'idée que Confessions, c'était un peu I Saw the Devil mais en remplaçant le violeur brutal et d'apparence increvable par un gosse de 13 ans et le flic par son institutrice, le tout troquant une violence brute et exhibée dans l'explosif et le jouissif pour un déroulement dans la douceur la lenteur et le contemplatif d'une esthétique générale d'une grande beauté.


Confessions c'est une mer d'huile au clapotis des vagues légèrement douceâtre et apaisant sur une surface de produits toxiques extrêmement dangereux. Confessions c'est une caresse de tigre, ça a le velouté de ses coussinets, et ça cache des griffes comme des rasoirs. Confessions, c'est l'image du requin sous vos pieds, un animal placide, lent et gracile, indifférent aux cris et à la terreur, un animal qui rôde et tourne lentement autour de vous, personnification terrifiante de la Faucheuse, pouvant couver son attaque indéfiniment, ne jamais passer à l'acte ou vous cisailler en deux d'un coup de dent, tout en restant un être modèle de grâce et de délicatesse, une beauté visuelle superbe d'une mortelle présence.


Il est très difficile d'évoquer ce film pour lequel je me refuse même à aller au delà de l'explication du face à face, une institutrice désirant se venger de deux enfants ayant assassiné sa fille. Je m'y refuse parce que j'ai regardé ce film en ne sachant absolument pas à quoi m'attendre et que depuis près de 24h, je reste hum.. j'allais écrire dérouté, chamboulé.. mais je crois qu'admiratif est plus exact. Tout simplement parce que le film est réalisé magnifiquement, qu'il dérange complètement, certes, mais pas tant par ses sujets qui en soi sont extrèmement dérangeants oui, mais par la façon de les exposer qui font qu'on a presque ce sentiment de "voyage" comme on pourrait l'avoir lors d'un compte des milles et une nuit.

Complètement hypnotisant et avec des acteurs déments, il montre ce qu'aucun film occidental n'aurait pu montrer, du moins pas de cette façon. La rage contenue qui couve sous ces sourires communs de "grande famille" dans laquelle on est tous frères et soeurs. Un monde ou on reçoit un sms "Je t'attend sur le toit ♥ ♥" et où l'on coure pour se faire démonter la tronche sous un couvert d'hilarité, un monde ou l'on s'attribue entre élèves des points de punition dont on exécute les sentences avec éclats de rire et applaudissements, un monde joyeux, d'entente parfaite et soudée, une protection mutuelle, un monde suintant l'irréel, propre et lisse ou la simple prononciation des lettres V.I.H au milieu d'une classe provoque la panique générale et la terreur catatonique.

Du rire aux larmes, puis aux rires cachant non plus des larmes mais un désert apocalyptique intérieur, Confessions est un film doux et sensible, une histoire racontée avec sérenité et tendresse d'une voie attentionnée et calme, lisse comme une mer d'huile agité de quelques clapotis de toute beauté sur fond de soleil couchant, une histoire douce de vengeance lancinante et vicieuse ou personne n'a le mauvais rôle, ou tout repaire est instable et dont la caresse se fait le courant imperceptible qui vous entraine avec lui vers l'abysse, l'orangé du soleil couchant prenant la teinte de l'écarlate.


Une chute vers des êtres qui en perdent leur humanité pourrait-on penser ? Non, au contraire, ces êtres n'ont plus rien d'animal. Là ou un film de vengeance pure comme I Saw the Devil nous montre des actes d'une barbarie bestiale, Confessions est une ode à une forme d'horreur humaine qui ne l'est que plus que parce qu'elle ne peut s'apparenter qu'à l'Homme et non la bête.

"haha je te fais marcher !" ...