mardi 6 décembre 2011

"Je veux tuer ce petit morveux."




Tetsuya Nakashima

"Boum"
En fait je n'ai pas pris le temps une seconde pour réfléchir à comment j'allais parler de ce film, tenter d'en faire une description un minimum fidèle ou même de donner un avis assez détaché du bordel que ça a foutu dans mes tripes, et ce non pas par une violence visuelle, dérangeante et nauséeuse, non. Par le fait de voir une histoire écrite dans une calligraphie tendre et caressante racontant l'horreur du meurtre et de la vengeance, de l'abandon et de la maladie, de la terreur et de la folie. Une chute dans les affres des derniers ressors de l'être humain pour arriver à ses fins, qu'elles soient reconnaissance ou exutoire. au cour d'une montée en tension continuelle mais à peine perceptible tant elle se fait douce.



Ce film, c'est l'histoire d'une institutrice désirant se venger de deux de ses élèves ayant assassiné sa petite fille. Une quête de vengeance, un sujet qui a le don de me fasciner et de m'accrocher. Sur cette voie, le récent I Saw The Devil de Kim Jee-woon était et reste à ce jour ce que je considère comme l'oeuvre la plus aboutie et la plus mémorable, et ce sans me limiter au seul cinéma asiatique. Et bien dans une affirmation délirante, j'ai émi tout à l'heure l'idée que Confessions, c'était un peu I Saw the Devil mais en remplaçant le violeur brutal et d'apparence increvable par un gosse de 13 ans et le flic par son institutrice, le tout troquant une violence brute et exhibée dans l'explosif et le jouissif pour un déroulement dans la douceur la lenteur et le contemplatif d'une esthétique générale d'une grande beauté.


Confessions c'est une mer d'huile au clapotis des vagues légèrement douceâtre et apaisant sur une surface de produits toxiques extrêmement dangereux. Confessions c'est une caresse de tigre, ça a le velouté de ses coussinets, et ça cache des griffes comme des rasoirs. Confessions, c'est l'image du requin sous vos pieds, un animal placide, lent et gracile, indifférent aux cris et à la terreur, un animal qui rôde et tourne lentement autour de vous, personnification terrifiante de la Faucheuse, pouvant couver son attaque indéfiniment, ne jamais passer à l'acte ou vous cisailler en deux d'un coup de dent, tout en restant un être modèle de grâce et de délicatesse, une beauté visuelle superbe d'une mortelle présence.


Il est très difficile d'évoquer ce film pour lequel je me refuse même à aller au delà de l'explication du face à face, une institutrice désirant se venger de deux enfants ayant assassiné sa fille. Je m'y refuse parce que j'ai regardé ce film en ne sachant absolument pas à quoi m'attendre et que depuis près de 24h, je reste hum.. j'allais écrire dérouté, chamboulé.. mais je crois qu'admiratif est plus exact. Tout simplement parce que le film est réalisé magnifiquement, qu'il dérange complètement, certes, mais pas tant par ses sujets qui en soi sont extrèmement dérangeants oui, mais par la façon de les exposer qui font qu'on a presque ce sentiment de "voyage" comme on pourrait l'avoir lors d'un compte des milles et une nuit.

Complètement hypnotisant et avec des acteurs déments, il montre ce qu'aucun film occidental n'aurait pu montrer, du moins pas de cette façon. La rage contenue qui couve sous ces sourires communs de "grande famille" dans laquelle on est tous frères et soeurs. Un monde ou on reçoit un sms "Je t'attend sur le toit ♥ ♥" et où l'on coure pour se faire démonter la tronche sous un couvert d'hilarité, un monde ou l'on s'attribue entre élèves des points de punition dont on exécute les sentences avec éclats de rire et applaudissements, un monde joyeux, d'entente parfaite et soudée, une protection mutuelle, un monde suintant l'irréel, propre et lisse ou la simple prononciation des lettres V.I.H au milieu d'une classe provoque la panique générale et la terreur catatonique.

Du rire aux larmes, puis aux rires cachant non plus des larmes mais un désert apocalyptique intérieur, Confessions est un film doux et sensible, une histoire racontée avec sérenité et tendresse d'une voie attentionnée et calme, lisse comme une mer d'huile agité de quelques clapotis de toute beauté sur fond de soleil couchant, une histoire douce de vengeance lancinante et vicieuse ou personne n'a le mauvais rôle, ou tout repaire est instable et dont la caresse se fait le courant imperceptible qui vous entraine avec lui vers l'abysse, l'orangé du soleil couchant prenant la teinte de l'écarlate.


Une chute vers des êtres qui en perdent leur humanité pourrait-on penser ? Non, au contraire, ces êtres n'ont plus rien d'animal. Là ou un film de vengeance pure comme I Saw the Devil nous montre des actes d'une barbarie bestiale, Confessions est une ode à une forme d'horreur humaine qui ne l'est que plus que parce qu'elle ne peut s'apparenter qu'à l'Homme et non la bête.

"haha je te fais marcher !" ...

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